Luister 2019: juli-augustus
Text: Machiel Swillens
"Anaïs Gaudemard embrasse la harpe"
Anaïs Gaudemard est aux Pays-Bas en raison de sa tournée ECHO Rising Star. Elle a donné son premier récital au Concertgebouw le 3 avril et présente un nouveau CD. La harpiste raconte tout au sein du Rijksmuseum. Elle avait une demande : « Si je suis à Amsterdam, pouvons-nous faire l'entretien dans un musée ? »
« Regarde comme c'est noir ! » s’exclame Anaïs Gaudemard. Pendant longtemps, elle s'est arrêtée devant un grand tableau de Rembrandt, le portrait d'un homme vêtu d'une cape noire avec un chapeau. L'un des plus célèbres couples de l'histoire de l'art ; Marten Soolmans et d’Oopjen Coopit.
« Quand je regarde ce tableau, j'essaie d’imaginer l’état d’esprit dans lequel se trouvait Rembrandt à ce moment-là » poursuit Anaïs. « Il était sans aucun doute obsédé par la peinture. Je me demande combien de temps il a travaillé sur le sujet et la couleur. Qu'est-ce que la peinture signifiait pour lui et s'il aurait pu continuer à peindre sans public ? » Et vous, pourriez-vous jouer même sans public ? « Je continue à jouer même si personne ne m'écoute. C'est d'une importance vitale pour moi. Et mon appétence pour la musique s'applique aussi bien aux autres arts. Cela ressemble à ce que nous appelons en français : « élever son âme. »
« Oui, il est important pour moi, en tant que musicienne, de s'inspirer d'autres arts. Je pense que les artistes sont mieux placés pour valoriser d’autant plus le travail des autres artistes. Nous savons combien de temps cela prend, combien de temps il faut pour créer quelque chose. Je lis toujours beaucoup. Certainement encore plus aujourd’hui lors de mes déplacements. Que lis-je maintenant ? » Elle rit. « Un livre sur les bateaux ! Mais aussi la correspondance de Mozart et un roman d'un célèbre écrivain français, Pierre Lemaitre, que j'ai rencontré personnellement il y a quelques mois. En fait, je lis toujours tout en même temps ».
Anaïs Gaudemard a commencé à jouer de la harpe à l'âge de huit ans. « J'ai commencé avec l’étude du piano à ma demande. C'était le seul instrument que je connaissais car mes parents n'avaient rien à voir avec la musique. Mais par chance nous vivions à Marseille en face du Conservatoire. J'entendais tous les jours les sons des fenêtres ouvertes et je les aimais beaucoup. C'est pourquoi je voulais prendre des leçons de piano. Sur le chemin de mes leçons de piano, nous passions toujours devant la classe de harpe. La professeure de harpe était si gentille... que je pense que c'est la raison pour laquelle j’ai demandé à jouer de la harpe. Au début, mes parents ont pensé : ça lui passera… »
À l'âge de dix-sept ans, elle entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon dans la classe de harpe. Jusque-là, elle prenait des cours de harpe et de piano de haut niveau. « Ces instruments sont très proches. Je joue encore du piano car j'en ai besoin. Tout sonne plus facilement au piano techniquement parlant. Avec la harpe, nous avons plus de challenge par le jeu des pédales ... » (avec les pédales d'une harpe, vous accordez les cordes de manière à pouvoir jouer tous les sons. Au piano, vous avez votre propre clé et corde pour chaque son, MS) « L’action des pédales peut perturber le legato. Mon objectif est donc de ne pas laisser cela se produire. Le fait que j'ai gardé le son du piano dans l’oreille m'aide à corriger cela ».
Anaïs Gaudemard a choisi la harpe. Malgré toutes les difficultés supplémentaires que cela implique. Le fait de voyager avec son propre instrument est parfois impossible. « Il arrive régulièrement que j'emprunte une harpe, à un collègue par exemple de la ville où je donne le concert. Hier soir, au Concertgebouw, c’est la harpiste Heide solo de l'orchestre du Concertgebouw qui a eu la gentillesse de me prêter sa harpe personnelle. Merci à elle. »
Il est également difficile qu'une harpe soit disponible une demi-heure avant le début d'une performance sur scène. « Mais ça ne me dérange pas, j'aime me concentrer en silence. Malgré la justesse qu’il est constant de vérifier et ses pédales, la harpe est mon instrument préféré. En jouant, il est très proche de mon corps. Vous sentez les vibrations de son son ; profond et pur. C'est vraiment une relation intime. Tu ouvres tes bras et embrasses ton instrument ».
Avec son disque « Solo », Anaïs Gaudemard veut mettre la harpe à l'honneur. « Sur mon nouveau CD, je joue les morceaux que j’ai souvent joué et que j'apprécie. Mon objectif est de révéler la harpe en tant qu'instrument soliste. Ma vie consiste à donner des récitals, mais la harpe n'est pas exactement l'instrument solo le plus populaire. C'est pourquoi j’ai choisi toute cette musique, du baroque au contemporain. Le « Solo » pour harpe de CPE Bach est l’une des toutes premières œuvres composées pour la harpe, « Bamyan » de Philippe Hersant est encore récent. Scarlatti, Renié, Fauré et Hindemith, ont demandé un travail très spécial. Le dernier mouvement de celui-ci est lié à un vieux poème allemand qui exprime le passage de la vie à la mort et de la vie après la mort. Très émouvant. »
Après la visite du musée, elle marche dans l'herbe en direction du Concertgebouw : « J'ai le plus beau métier du monde. Je continue à découvrir de nouvelles choses. Peut-être parce que je suis la première de ma famille ; je n'ai donc jamais vu de près ce que le chemin de musicienne implique. Chaque jour est plein de surprises. »